« Contrairement à l’idée répandue, les cons ne sont pas réformables ; les campagnes de prévention ou les actions pédagogiques n’ont pas de prise sur eux. Une seule chose peut les amener non pas à changer, mais du moins à se tenir tranquille : la peur. Je veux qu’ils sachent que je les surveille et que le temps de l’impunité est révolu.
Je compte à mon actif cent quarante meurtres de cons. Afin qu’ils ne soient pas morts pour rien, je vous enjoins de lire ce manifeste. Il explique le sens véritable de mon combat ».
Ce roman nous raconte l’histoire d’un homme sans histoire qui un jour décide de ne plus se laisser emmerder. Tout commence avec le chat de la voisine : en le balançant par la fenêtre un soir de ras le bol. Il va vite se rendre compte que la mort du félin va faire parler les gens, des gens qui ne se parlaient pas ou peu avant ça. C’est alors qu’il décide de tuer des animaux de compagnie pour créer du lien social. Puis le déclic se fait avec la concierge puis avec Patinex (le narrateur et son ami son entrain d’isoler un plancher):
Extrait:
« -Bonjour, c’est moi !
Il n’était pas très grand, plutôt petit en fait. Mais il émanait de lui, de son cou de taureau, de son torse massif et de ses muscles, de ses bras bien dessinés, une impression de force très grande. Le genre de type tout d’une pièce, qui sous un abord sympathique vous laisse pourtant un sentiment désagréable. Je devinai quelqu’un de franc et obtus dont les rapports avec les autres reposent sur une certaine façon directe et avenante, mais profondément lourde, de s’imposer.
Il arborait un vieux pantalon de survêtement et un tee-shirt usé à force d’avoir été lavé.
L’espace de quelques secondes, les traits de Jean-Paul se contractèrent en un rictus de contrariété. Il posa son cutter sur la table et prit son air le plus souriant.
- Bernard ! Laisse-moi te présenter nos amis qui sont ici pour quelques jours.
Jean-Paul se tourna vers moi et continua sur le même ton :
-Bernard est notre voisin. Notre sauveur, devrais-je dire, car dès qu’on a un problème dans la maison, Bernard est là pour nous aider.
Mais les grimaces qu’il me faisait démentaient la sincérité de ses propos.
L’autre me donna une poignée de main, comme on offre son amitié, mais j’eus plutôt l’impression qu’il essayait de me jauger.
-Enchanté !
[…]
Il examina nos travaux.
-Le polystyrène, c’est pas valable, finit-il par dire. A mon avis, ça ou rien, c’est à peu près pareil. Ou alors, t’aurais dû mettre des plaques de 12 minimum. Là vous avez posé du 8 ?
-Du 10
-Du 10 ? C’est pas assez. Vaut mieux de la laine de verre ? Ca c’est valable.
-Oui, je sais, s’excusa Jean-Paul. Mais on voulait pas se lancer dans trop de frais.
-Oh he, farceur ! Tu prends du Patinex 500. Pas du 100 parce que ça n’isole pas assez. Du 500. C’est pas très cher. 50 le kilo. Il t’en faut…Voyons voir….
Il sortit son mètre de sa poche de survêtement.
-1 mètre…Rends-toi utile. Tiens-moi l’autre bout, dit-il à Jean-Paul. 2 mètres…3 mètres…55…3 mètres 55 pour ici. Et là…1 mètre. 2 mètres…3 mètres..4 mètres…12. Combien j’ai dit déjà pour l’autre mur ?
-3 mètre 55, répondis-je.
-C’est bien. Y en a au moins un qui suit.(il rit).
[…]
Dix minutes plus tard, il nous avait convaincus (imposé serait plus juste) d’aller acheter son Patinex (à force de nous bassiner avec son « Patinex, c’est valable », nous finîmes, Jean-Paul et moi, par le surnommer ainsi entre nous), de défaire tout ce que nous avions déjà posé et de recommencer à zéro.
[…]
Patinex avait pris le chantier sous sa direction et semblait ne jamais vouloir le terminer. Il se sentait chez lui. Nous avions repéré qu’en fonction des heures de la journée, ses humeurs ou ses sujets de conversation étaient réglés comme la bulle du niveau.
Le matin était consacré aux plaisanteries vaseuses, aux jeux de mots idiots. Ainsi, quand il examinait ce que nous étions entrain de faire, il ponctuait ses remarques par « c’est du travail d’Arabe ». Certains jours, c’était au tour des Italiens ou des Marseillais de faire les frais de son ironie. Il y avait aussi une blague qu’il nous resservait très souvent. « Ces dames n’écoutent pas ? demandait-il avant de commencer. Bon. Vous connaissez la devise des bricoleurs ? Il vaut mieux l’avoir blanche et droite que black et d’équerre ! » (Rire).
[…]
Plus la journée avançait, plus son humeur s’assombrissait. Il se livrait alors à un certain nombre de réflexions, toujours les mêmes (sauf l’ordre changeait), où se mêlaient le souvenir de son trekking au Népal, la supériorité du chauffage au gaz sur l’électrique et la responsabilité de Mai 68 dans les problèmes actuels. Et même s’il nous demandait sincèrement notre avis, et écoutait les remarques de Jean-Paul (j’étais trop fatigué pour tenir un raisonnement), il ramenait les propos de mon ami à sa façon de voir les choses.
Après le mur, nous refîmes la cuisine, comme chez Nicole, sa femme, puis nous transformâmes la véranda en bow-window. Alors que nous touchions au but, il ne restait plus que quelques finitions, il nous annonça qu’il avait eu une grande idée :
Vu que la Ferme est devenue un palace, il me semble qu’il faudrait y ajouter la touche finale qui en ferait véritablement un château !
Jean-Paul et moi, nous nous regardâmes, atterrés et inquiets.
-A quoi pensez vous ? demanda Christine.
-à quelque chose qui donne un cachet à une maison. On voit ça dans les films. Et de plus ce serait véritablement mon chef-d’œuvre car je n’en ai jamais construit avant.
-une mezzanine ?
- tu es le maillon faible Jean-Paul. Au revoir.
-Une cheminée ? Hasarda Nicole.
-Bravo, il y en a une qui suit !
[…]
Tout le monde garda un silence gêné. Jean-Paul et Martine cherchaient comment parer le coup sans vexer Patinex. Christine me regardait avec un air de compassion. Quant à moi, ma décision était prise.
Dans la nuit, je me levai sans faire de bruit et préparai ce qui était nécessaire à la réalisation de mon plan. Le lendemain matin, je le guettai devant la porte. Précis comme une horloge, il arriva à huit heures vingt-neuf.
Je lui expliquai que nous avions été dérangés toute la nuit par des bruits bizarres du côté du grenier.
-Des fantômes, lâcha-t-il en rigolant. C’est normal vu qu’on fait de la Ferme un château…
-Des rongeurs sans doute. J’ai pris l’échelle pour regarder à la base du toit, au niveau du grenier, mais je n’ai rien vu. Comme je n’y connais pas grand-chose, je me demandais si…
-…je ne pourrais pas jeter un œil ?....
Je fis oui de la tête, de l’air d’un adolescent sollicitant l’aide de son père.
-Pas de problème. Montre-moi où c’est.
Je fis le tour de la maison, et lui désignai l’échelle.
-Juste en haut, lui dis-je.
-ah c’es intellos…lâcha-t-il en commençant à grimper. Et Jean-Paul, il est où ?
-Il dort encore.
Quoi ? Avec tout ce qu’on a à faire aujourd’hui ! dit-il en riant. Tout ça c’est de la faute à Martine. Entre nous, elle m’a tout l’air d’avoir un sacré….
Il n’acheva pas. Son pied venait de se poser sur l’un des derniers barreaux que j’avais pris la peine de scier légèrement. Cela ne se voyait pas à l’œil nu, j’avais prévu qu’il se brise à la moindre pression. Patinex tomba de près de trois mètres de haut sur un tas de gravats dans lequel durant la nuit j’avais enfoncé des tiges de fer. Ces jours de bricolage n’avaient pas été totalement inutiles puisqu’ils m’avaient permis de préparer ce piège selon les règles appliquées par tout bon bricoleur : anticipation, rigueur et méthode. « Une question d’organisation », aurait dit feu Patinex. »
15/01/2008
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