14/11/2006

"Les hommes protégés" de Robert Merle (1974)

Un scénario catastrophe pour vous messieurs : une épidémie d’encéphalite 16 fait rage dans le monde entier. Particularité de la maladie : elle est mortelle et ne touche que les hommes pubères. Sont protégés, les jeunes garçons donc, et les vieillards. Les femmes vont peu à peu remplacer la gente masculine dans tous ses rôles sociaux. Et c’est ainsi qu’arrive au pouvoir Sarah Bedford, feministe pure et dure…très dure, à la Maison-Blanche. Le narrateur, le docteur Martinelli, travaille d’arrache pieds pour trouver un vaccin. Il sera enfermé avec d’autres intellectuels dans une zone dite « protégée » à Blueville, afin de les tenir à l’abri de l’épidémie. Mais cette zone protégée a de plus en plus des airs de camp de concentration de luxe, et le docteur se rend vite compte qu’on ne le laisserait pas partir s’il le désirait. Les miliciennes et les collègues de labo de Martinelli s’en donne à cœur joie pour rabaisser ce phallocrate de docteur. Quelque chose lui dit que le vaccin ne sera pas utilisé de sitôt. Mis sur écoute surveillé, humilié, il devra son salut à une poignée de femmes…mais ses libératrices n’auront plus rien à voir avec les femmes « d’avant », la condition des hommes semble avoir changé pour un bon moment.

Extraits:
« Deborah grimm commençait par révéler les mortelles inquiétudes qu’avait nourries l’administration Bedford quand l’épidémie ayant ravagé les forces de police ( d‘autant plus exposées qu’elles étaient quotidiennement en contact avec la population) la question du maintien de l’ordre s’était posée. Certes, on avait aussitôt formé des milices féminines, mais elles étaient peu nombreuses, peu expérimentées. On s’attendait donc à une montée en flèche de la criminalité et en particulier de ces hold-up qui avaient rendu les rues des grandes villes américaines aussi peu sûres que certains quartiers de Londres au Moyen Age.
Il n’en fut rien. Par une ironie sans précédent les statistiques des hold-up, viols et assassinats diminuèrent au fur et à mesure que fondaient les effectifs de la police.

« Dans ses pévisions, ( je cite Déborah Grimm ) l’administration avait omis un facteur important. Les vices dont vivait la pègre : jeu, drogue et prostitution, étaient presque exclusivement des vices masculins ».
[…] Comme on sait, l’Administration Bedford a fermé les sex-shop sous peine de fortes peines de prison, interdit la fabrication et la vente d’objets érotiques et ceux, en particulier, destinés aux femmes. Cette loi, à n’en pas douter, eut des effets bénéfiques sur la moralité publique, mais elle créa aussi une forte demande, en particulier pour les objets de nature phallique, « et cela en dépit du fait, maintenant scientifiquement établi, que la jouissance féminine provient du frottement du clitoris et non de l’intromission de la verge dans le vagin » (sic)
Quoi qu’il en soit, la pègre féminine ne fut pas longue à découvrir une source de profits énormes dans la fabrication clandestine de gadgets phalliques dont certains, très élaborés, ne tardèrent pas à atteindre au marché noir des sommes élevées.
La milice, pousuivait Deborah Grimm, perquisitionnant à une date récente dans le sous-sol d’une petite usine de caoutchouc, découvrit un objet plié et rangé sous faible volume dans uneboîte. L’étiquette le désignait sous le nom anodin de superdoll.
[…] Dès le début de l’épidémie, les marins, les pilotes, les soldats que le pentagone entretenait à grands frais dans des centaines de bases un peu partout dans le monde ont commencé à mourir, sur une telle échelle et avec une telle rapidité qu’il a fallu les rapatrier tous pour éviter que la totalité du matériel dont ils disposaient ne tombât aux mains des autochtones. Malgrès cela, on n’a pas pu éviter d’abandonner sur place des avions, des canons, des tanks, et malheureusement aussi, des bombes atomiques très raffinées stockées en Thaïlande et dont on se demande si elles n’ont pas été vendues aux Chinois par nos anciens alliés.
Les conséquences politiques de ce retrait ont été incalculables : Tous les gouvernements étrangers activement soutenus par le département d’Etat, en particulier dans l’Asie du Sud-Est et en Amérique latine, sont tombés dans les semaines qui ont suivi. Des régimes nationnalistes les ont aussitôt remplacés. Ces régimes ne sont pas tous communistes, tant s’en faut. Mais ils ont tous un trait commun : le ressentiment et la méfiance à l’égard des Etats-Unis. »

24/10/2006

Malevil de Robert Merle

L'histoire se déroule durant les années 70, dans le château d'Emmanuel Comte, Malevil domaine viticole et équestre, acquis après la mort de son oncle. Déjà tout petit Emmanuel jouait dans le château déserté avec ses amis "du cercle": Peyssou, Meyssonnier, et Colin. Amis encore aujourd'hui ils se rendent souvent au château pour le voir lui, mais également la Menou( l'ancienne dame de compagnie de son oncle, la menue en patois) et Momo (le fils de la Menou )qui malgré sa quarantaine d'années est comme un enfant de 10 ans...Un décors qui se dresse dans un sud ouest bien rural, où l'on parle patois en faisant son pain, où l'on a le parler franc et de petites querelles de clochers. Et puis un jour alors que tout ce petit monde ( accompagné en plus de Thomas un étudiant hébergé au château de Malevil), tire le vin dans la cave en discutant, se produit la catastrophe: une explosion nucléaire.
Malevil c'est l'histoire d'un petit groupe de survivants, qui vont réorganiser leur vie en conséquence, essayant de se protéger des pillards, des disputes internes, de leurs propres craintes, de leurs préjugés,et des hommes en mal de souveraineté. Malevil est un roman passionnant que je vous recommande chaleureusement. Par contre si vous lisez le livre, je ne vous recommande pas vraiment le film inspiré un peu trop "librement" de Christian de Chalonge avec Serrault trintignant et Dutronc. Trop de libertés...et pas franchement justifiées à mon goût. Mais en oubliant le livre c'est sans doute un bon film...

Un petit extrait pour vous donner envie:
"Nous étions tous les sept silencieux, à écouter, si je puis dire, le silence du transistor, quand éclata un tapage dont je ne puis donner une idée que par des comparaisons qui, toutes, me paraissent dérisoires: roulement de tonnerre, marteaux pneumatiques, sirènes hurleuses, avions perçant le mur du son, locomotives folles. En tout cas, quelque chose de claquant, de ferraillant, de strident, le maximum de l'aigu et le maximum du grave portés à un volume de son qui dépassait la perception. Je ne sais pas si le bruit, quand il atteint un tel paroxyse, est capable de tuer. Je crois qu'il l'aurait fait s'il avait duré. Je plaquai désespérément les mains contre mes oreilles, je me baissai, je me tassai sur moi-même et je m'aperçus que je tremblais de la tête aux pieds. Ce tremblement convulsif, j'en suis certain, était une réponse purement physiologique à une intensité dans le vacarme que l'organisme pouvait à peine supporter. Car à ce moment-là, je n'avais pas encore commencé à avoir peur. J'étais trop stupide et pantelant pour former une idée. Je ne me disais même pas que ce fracas devait être démesuré pour parvenir jusqu'à moi à travers des murs de deux mètres d'épaisseur et à un étage sous le sol.J'appuyai les mains sur mes tempes, je tremblais et j'avais l'impression que ma tête allait éclater. En même temps, des idées stupides me traversaient l'esprit. Je me demandais avec indignation qui avait renversé le contenu de mon verre que je voyais couché sur le côté à deux mètres de moi. Je me demandai aussi pourquoi MOmo était étendu à plat ventre sur les dalles, la face contre terre et la nuque recouverte de ses deux mains, et pourquoi la Menou, qui le secouait aux épaules, ourvait toute grande la bouche sans émettre un seul son..[...]La transpiration continuait à jaillir de mon front et à couler le long de mes joues, sous mes aisselles et dans mes reins. Je souffrais d'une soif intense, mes lèvres étaient sèches et ma langue collait à mon palais. Je m'aperçus au bout d'un moment que je gardais la bouche ouverte et que je haletais comme un chien, à petits coups rapides, mais sans arriver à vaincre l'impression d'étouffement que je ressentais[...]Je vis le visage de Thomas apparaitre dans le champ de vision et se préciser peu à peu. Thomas était torse nu, pâle, couvert de sueur.Il dit dans un souffle: déshabille toi. Je fus stupéfait de ne pas y avoir pensé plus tôt. j'enlevais ma chemise et mon gilet de corps. Thomas m'aida. Fort heureusement, je n'avais pas mes bottes de cheval, car même avec son aide, je ne serais pas arrivé à les retirer. Le moindre geste m'épuisait. Je m'y repris à trois fois avant d'ôter mon pantalon et je n'y réussi que grâce à Thomas. De nouveau, il approcha sa bouche de mon oreille et j'entendis:- Thermomètre...au dessus du robinet...soixante-dix degrès".

05/10/2006

Les mots des riches, les mots des pauvres.

Est un ouvrage de « sociologie légère » de Jean-Louis Fournier, que j’ai trouvé ma foi fort sympathique.
extraits :

Tahiti en pauvre se dit Palavas les Flots.
« Même allongés sur le sable, à moitié nus devant la mer, Monsieur Riche et Monsieur Pauvre restent différents. Monsieur Riche est mince et musclé. Monsieur Pauvre est flasque et mou. Monsieur Riche a des jambes fines et nerveuses, comme celles d’un pur-sang. Monsieur Pauvre a des varices et des chaussettes en tire bouchon. Monsieur Riche porte un bermuda en lin, Monsieur Pauvre un short en soldes. Monsieur Pauvre porte un tee-shirt sur lequel est écrit , en gros caractères, « university of Columbia ». Monsieur Riche a fait ses études au M.I.T. de Boston, mais ce n’est pas écrit sur son polo beige.
Au soleil, Monsieur Riche bronze, Monsieur Pauvre rougit. Quand Monsieur Pauvre retire son tee-shirt, on voir sur son épaule une grosse rose tatouée. Quand Monsieur Riche retire son Polo, on voit un bronze de Praxitèle.
Sur la plage, Monsieur Pauvre dort la bouche ouverte, un journal sur la tête, à côté de son transistor mal réglé sur RMC et de sa glacière en polystyrène bleu Floride. Assis sous un joli parasol de toile écru, Monsieur Riche scrute la mer avec des grosses jumelles noires.
Monsieur Pauvre boit une canette de bière pour faire passer le temps et les œufs durs remplis de sable. Il écoute la retransmission du match de football PSG-Lens, Lens perd trois à zéro, il est accablé.
Tandis que Monsieur Riche regarde son grand fils qui fait du ski nautique, Monsieur Pauvre regarde son grand fils qui fait le con. Madame Pauvre, dans sa marinière à fleurs, retourne une claque à la plus jeune qui s’est mise torse nu : « T’as pas fini de montrer tes titis ? »
Quand une mouette défèque en plein vol, ça ne tombe jamais sur Monsieur Riche, toujours sur Monsieur Pauvre. Ca fait rire Madame Pauvre, elle croit que ça porte bonheur.
Ca ne fait pas rire Monsieur Riche. Il ne le voit pas.
Monsieur Riche est à Tahiti, Monsieur Pauvre est à Palavas les Flots. »
« Mercedes noire en pauvre se dit carte orange.
Monsieur Riche vient de se faire arrêter par des Messieurs Pauvre en uniforme. Il roulait à 110 kilomètres à l’heure sur une route départementale.
Les gendarmes lui demandent ses papiers. Monsieur Riche s’exécute, il reconnaît qu’il roulait un peu vite, mais sa Mercedes est équipée pour la vitesse. Il a un ABS, un EPS, un PSM, une suspension active ABC, et un régulateur de vitesse et de distance intelligent pour deux. Enfin, toute une technologie qui lui permet de faire le con sur la route, sans risque.
Il fait remarquer aux gendarmes qu’on est plus dangereux en roulant lentement avec une voiture de petite cylindrée qu’en roulant vite avec une Mercedes.
Les gendarmes, qui ont des voitures de petite cylindrée, ne semblent pas l’entendre. L’un d’eux commence à rédiger le procès verbal.
Monsieur Riche propose un gros chèque pour les orphelins de la gendarmerie.Le gendarme prend le chèque, remercie Monsieur Riche de la part des orphelins, et continue à rédiger le procès verbal.
Monsieur Riche parle alors de ses amis haut placés. Il a un beau-frère député…Le gendarme continu à écrire.
Monsieur Riche ronge son frein. Il se sent obligé d’être poli avec des gens qui gagnent moins bien leur vie que lui.Il a un fort sentiment d’injustice, la révolte gronde en lui. Il a envie de leur dire, à ses pauvres en uniforme, qu’il gagne au moins dix fois plus qu’eux.
Enfin, il se raisonne, il signe le procès-verbal, il reconnaît les faits. Il ne dit plus rien. Il part écœuré.Si les riches sont punis comme tout le monde, c’est à vous dégoûter d’être riche. »

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